Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
L'actualité dans toute sa splendeur
Archives
29 mars 2012

Conférence de Thomas Piketty à Science Po pour le MJS Science Po (28/03/2012)

Ce n'est pas tous les jours que l'on peut assister à un débat autour de la réforme fiscale avec l'un de ses plus fervents défenseurs, l'économiste Thomas Piketty. Ce brillant chercheur en science sociale, directeur de l'Ecole d'Economie de Paris, directeur d'étude à l'EHESS et auteur du livre Pour une Révolution Fiscale était l'invité du Mouvement des Jeunes Socialistes, mercredi 27 mars, à Science Po Paris.

C'était l'occasion de revenir sur les propositions clefs que proposait le candidat socialiste à l'investiture présidentielle et de dénoncer l'accumulation des cadeaux fiscaux du quinquennat. 

Cette figure scientifique, emblématique de la gauche a convaincu l'audience aux termes de deux heures d'entretien avec la salle. 

Le débat était notamment tourné sur deux questions que se posaient la jeunesse socialiste à savoir, comment rétablir la justice fiscale ? et dans le contexte de la crise économique, comment une réforme fiscale peut donner les marges de manoeuvre nécessaires pour rééquilibrer les comptes publics ainsi que redonner du pouvoir d'achat ?

Les conférenciers ont notamment rappelé que la fiscalité est un des derniers leviers budgétaire et économique qui peut influer sur la conjoncture, que les États membres de l'Union Européenne ont en leur possession, puisqu’il faut noter que la politique monétaire est du ressort de la Banque Centrale Européenne. Il était judicieux de le souligner et cela permet de se rendre mieux compte que nous avons un peu les mains liées pour faire face à cette volonté de réduire drastiquement les déficits.

piketty

Thomas Piketty a commencé son intervention sur l'Impôt sur la Fortune (ISF) et sa suppression "partielle" dans le projet de Loi de Finance Rectificative de 2011. C'est "le plus énorme cadeau fiscal aux plus riches du quinquennat ". Il a fait comprendre à l'assistance que l’ISF se calcule comme l’IR à des taux qui s’appliquent sur la FORTUNE. Le taux le plus élevé (avant 2011) était de 1,8 au-dessus de 17 000 000  € de patrimoine et a diminué à 0,5%, soit une division par 3. 

Pour exemple 10 000 000 000 € de patrimoine imposable, donc prélèvement de 180 000 000 d’€. Et l'ISF chiffré  rapportait 4,5 MM € en 2007 et 2 MM € 2011 alors même que les patrimoines se sont accrus (on aurait dû avoir 6 MM €). On comprend bien le manque à gagner pour les comptes publics.

Il est donc convaincu que le principal objet de la réforme fiscale c’est de rétablir de la justice et de l’efficacité. Les recettes supplémentaires sont à attendre de l’ISF, de l’IS. Mais il faut que le système soit plus lisible et plus compréhensible pour que ce soit efficace. Les recettes rentreront d'elles-mêmes.

Concernant l’Impôt sur le Revenu (création : 1914) l’enjeu est plus profond que de trouver de l’argent, c’est de trouver un impôt moderne, progressif et prélevé à la source. L’IR représente 50 000 000 000 € soit 2,5% du PIB. Dans les autres pays, ça rapporte 10 points de PIB. Le total des prélèvements obligatoire c’est 45% du PIB. L’IR ne rapporte rien, et énerve tout le monde. Tous les gouvernements n’ont cessé de le baisser.

"Les réformes fiscales sont des questions politiques avec la légitimité démocratique qui va avec". Or le prélèvement à la source est de nature technique. Mais on a besoin d’automaticité et d’avoir un système fiscal simplifié. L’IR n’est pas à la source parce que c’est payé avec un an de retard et qu'il est déclaratif, et c’est la garantie que cet impôt soit impopulaire. Mais c’est une assiette percée notamment avec les niches fiscales qui s'accumulent depuis le début du quinquennat. La CSG en comparaison rapporte 90 000 000 000 d’€ avec un taux de 8,5%. Son seul défaut c’est de ne pas être progressif. C’est un paradoxe incroyable.

Donc leur fameuse proposition (avec Camille Landais) c'est de littéralement remettre le système à plat avec une CSG calculée sur un barème progressif avec un taux qui monte graduellement, et donc un prélèvement à la source. Et il faut la mettre en place dès le début du quinquennat et ne pas attendre la fin voire le suivant (selon les propositions socialistes).

couv2

Il a notamment évoqué la prime pour l’emploi (PPE) qui a été à l'origine créée pour revaloriser le travail à bas salaire sans cout supplémentaire sur le travail. Elle concerne 8 millions de salariés, et elle reverse environ un mois de salaire en moyenne, avec un an de retard (comme dans le cadre de l’IR). C’est une véritable « usine à gaz ». On perd 1 an de salaire de CSG en t et on reçoit la PPE en t+1. C’est incompréhensible. Si on ne fusionne pas (IR - CSG), on ne sort pas de la PPE et on ne peut pas revaloriser le pouvoir d’achat.

La proposition des « 75% » taxés au-delà du million d'euros est une bonne proposition, mais l'économiste souhaite une assiette plus large large. Piketty proposait quant à lui 60% en incluant la CSG.

Il y eut ensuite un tour de table pour des questions de l'audience. Thomas Piketty a notamment répondu sur une question portant sur la taxation du capital qu'il faut taxer de la même manière que les revenus du travail : à la source.  Il est favorable à la suppression du quotient conjugal (qui existe en Allemagne et des USA, indépendamment du prélèvement à la source). Il promeut l’individualisation de l’impôt. 

Sur le quotient familial, il est clairement établi qu'on a besoin que les enfants conduisent à des réductions d’impôts. Il faut maintenir une forme de quotient familial. Le problème c'est que plus le revenu est élevé, plus ça rapporte des déductions. Il faudrait faire alors une réduction d’impôt d’un même montant. Les économistes proposaient 750€ de crédit d’impôt par enfants alors que la proposition PS (toujours débattue) est réduire le plafond alloué à 2 000 € par demi-part (au lieu de 2 300€ aujourd'hui).

L’avenir est à un impôt sur les sociétés européennes, sinon un impôt qui baisse en France contribuerait à une sorte de dumping fiscal, et on se verrait mal demander à l'Irlande de se mettre aux "normes européennes". "Il faut en faire le premier impôt européen harmonisé".

À 25 jours du premier tour d'une élection présidentielle, qui ne passionne pas les foules, cette petite réunion a eu le mérite de présenter clairement que malgré toutes les bonnes volontés de François Hollande, si nous voulons une vraie réforme fiscale, d'ampleur qui soit claire et juste, il reste du chemin à parcourir. Mais nous pouvons compter sur ces économistes qui comprennent les vrais enjeux de société et qui ont une audience auprès de la population. Reste à trouver les forces politiques qui seront désireuses de réformer en profondeur notre système fiscal.

 

Rémi L.G

Pour aller plus loin :

http://www.revolution-fiscale.fr/ : le site de Thomas Piketty qui permet de faire vos propres projections fiscales 
Le projet Hollande : les 60 propositions de François Hollande




 

 

 

 

 

Publicité
Commentaires
L'actualité dans toute sa splendeur
Publicité
Publicité